24 Mai : Dès le départ, cela a ressemblé à un jeu de piste : Le bus de la Trans-Sumatra nous a laissé à perpète à Bukintigui devant une échoppe. Le taxi qui attend les seuls touristes du bus que nous sommes nous demande pour rejoindre le centre-ville le quart de la somme que nous venons de dépenser pour faire 500 km. Donc, sous la pluie, nous essayons de prendre un ojek mais aucun ne comprend le moindre mot d’Anglais, et nous l’Indonésien c’est pas beaucoup mieux ! On finit par monter dans n’importe lequel et des jeunes filles voilées déjà à bord nous aident à rentrer nos énormes sacs à dos qui ne passent pas la petite portière. Puis on guide le chauffeur grâce à Maps me en lui faisant des signes. A l’hôtel personne ne parle Anglais, pas un touriste dans la ville et même le Lonely Planet est beaucoup trop succinct pour espérer aller dans la réserve de Batang Palupuh seuls sans pouvoir se faire comprendre. Heureusement nous tombons en allant diner sur Erik, un taxi guide qui parle Anglais. Yes ! Il passe un coup de fil et nous dit qu’il y a une Rafflesia en fleur pour 2 jours encore. Donc RDV le lendemain matin. La réserve est à 16km au Nord sur la Trans-Sumatra. Non ! On ne veut plus retourner sur la Trans-Sumatra ! Mais là sans clim, sans fuite d’eau, sans musique à donf, on en vient même à apprécier les paysages au relief super escarpé laissant rarement échapper quelques rizières horizontales. Justement, nous sommes très vite stoppés par un très gros bouchon. Un camion vient de chuter grave dans le ravin. Une énorme machine est déjà sur place pour tenter de le remonter (ce qui prouve si besoin était qu’ils sont habitués à ce genre de péripétie dans la région). Personne ne semble s’inquiéter de savoir si le chauffeur est mort ou s’il a eu le temps de sauter avant la chute. A notre retour 2h plus tard, le camion sera déjà remonté jusqu’à la route. Nous finissons par arriver à la réserve. En descendant en bus la veille nous avions tenté de la repérer comme nous le faisons désormais avec ‘Maps me’. En vain et nous comprenons pourquoi : Le seul malheureux panneau frise l’illisibilité tellement il a vécu. Nous prenons une courte route sur laquelle il est impossible de se croiser pour arriver à un petit hameau, laissons la voiture qui ne peut aller plus loin pour rejoindre une maison d’où les habitants appellent LE guide qui arrivera de nulle part en mobylette. C’est lui qui arpente la jungle chaque jour pour repérer si une Rafflesia s’ouvre ou meurt car la floraison ne dure que 7 jours. Il appelle quotidiennement Bukittingui pour indiquer s’il y en a une en fleur ou pas. Nous avons mis nos chaussures de rando sur les conseils d’Erik et ne regretterons pas leur poids dans le sac à dos bien que ce soit la première fois que nous les utilisons depuis un mois et demi de voyage. La pente sera raide, boueuse et ‘’attention çà glisse ! ’’ Et la jungle est bourrée de sangsues. Le guide lui est tranquille en tongs. Il ne tombera pas une seule fois alors que Joëlle s’étalera de tout son long…dans la boue. Au bout d’une heure de montée, d’abord tranquille au milieu des rizières, champs de chili, cacaoyers, caféiers, papillons de 20 cm d’envergure, puis plus raide dans la jungle nous découvrons un premier bouton de Raflesia : 30 cm de diamètre, elle devrait éclore dans 1 ou 2 jours. Puis la seule ouverte en ce moment : 70 cm de diamètre. Certaines atteignent un mètre et pèsent plus de 10 kg. Le cœur est superbe et résonne quand on tape dessus. Elle ne possède pas de feuilles. Elle parasite les lianes tropicales, et ses racines sont à l’intérieur de la plante parasitée. Les parties aériennes de la plante se résument à sa fleur. Elle dégage une forte odeur de charogne à l’éclosion qui attire pile au bon moment les mouches assurant la pollinisation, à condition que des fleurs mâles et femelles soient simultanément écloses dans un proche rayon. Ce qui lui vaut le surnom de « fleur-cadavre ». Aucune de celles que nous verrons ne sent le cadavre même celles en décomposition car nous ne sommes pas pile à l’éclosion. Cette odeur est donc vraiment un stratagème reproductif. En dehors de la floraison, la Rafflesia est indétectable. Elle se développe pendant un an ou deux dans les tissus de sa plante-hôte aux dépens de celle-ci, puis apparaît une nodosité qui se craquelle et émerge des tissus de l’hôte, au ras du sol : le bouton floral. Ce dernier grossit pendant plusieurs mois jusqu’à atteindre la taille d’un ballon de basket.
Bilan des sangsues : Joëlle – 0, Phi – 1 (sur le ventre, sentie juste au moment où elle mordait donc pas d’inondation de sang), Guide – 1 (incroyable qu’il en ait eu aussi peu en tongs !). Au retour, la propriétaire nous vantera sa production de Luwak coffee. Le luwak étant une civette, sorte de croisement entre un rat et une belette, nous avons du mal à faire le rapprochement avec le café. C’est très simple en fait, mais nous n’aurions jamais osé y penser. Le luwak mange le café, elle récupère ses excréments contenant les graines digérées dans la nature et elle fait son café avec ! Selon notre hôte, les propriétés apportées par la digestion du luwak sont telles qu’on voudrait en adopter un chez soi : Migraines, maux de ventre, rhumatismes, la peau… et même Alzheimer. La recherche médicale occidentale devrait passer par Bukittingui !
Mais ses arguments ne parviendront pas à effacer l’image que nous avons tous les deux : celle de l’explication à nos proches que l’originalité du café que nous leur offrons est d’être à base d’excréments… Nous sommes-nous trompés ? Si oui, tapez ‘I love Luwak coffee’, si non tapez ‘’ Non merci, sans façons, ramenez-nous plutôt un bébé Luwak’’.
Vous nous connaissez, nous allons au fond des choses, alors nous sommes allés vérifier : une équipe scientifique canadienne a montré que le taux d’organismes pathogènes dans le Lowak café s’avère insignifiant si le lavage est bien fait. C’est déjà çà. Reste la barrière psychologique ?
Ci-dessus, la feuillle de l’Arum Titan que nous avons vu sur le chemin des Raflesi et une photo du net de son inflorescence : 3 mètres, la plus grande du monde ! Les homo sapiens ne sont pas spécialement grands à Sumatra, mais les fleurs endémiques c’est du XXXXLL.
Infos pratiques pour Bukittingui : – Tout le centre-ville regorge d’hôtel pour tous les goûts. 1 nuit au Treeli boutique hôtel pour 325 000 Rp avec petit déjeuner. Mignon, neuf et très propre mais mosquée spécial ramadan très proche, chambres petites et certaines sentent la fumée de cigarette. Alors seconde nuit au Royal Denaï un peu plus loin qui fait de bon prix de basse saison. Pour 100 000 Rp de plus, la classe au-dessus avec piscine et petit déjeuner.
– Transports : c’est la grosse galère en transports publics pour rejoindre tout ce qu’il y a à voir autour de Bukittigui. En plus ici aucun chauffeur ne parle anglais et même dans les hôtels…Heureusement nous sommes tombés sur Erik, taxi guide qui propose pour 700 000 Rp/j négociées à 600 000 de vous amener un peu partout. Il parle pas mal anglais (une richesse ici vous l’avez compris), connait sa région sur le bout des doigts. C’est un petit malin, mais vous pouvez lui faire confiance et il est sympa. Son tarif est un peu cher pour le pays, mais vous vous y retrouverez mille fois. Il a ses programmes type à la journée, mais vous pouvez les adapter comme vous voulez et tout négocier. Pour trouver Erik : demandez au Turret Café dans la rue principale Ahmad Karim qui passe sous la porte passerelle. Il arpente cette rue en faisant cafés et hôtels. Sinon : syaferik@gmail.com pour le mail ou syaferik@yahoo.com pour Facebook.
One thought on “BUKITTINGUI : à la recherche de la plus grande fleur du monde”